Réchauffement climatique, tournée africaine d’Emmanuel Macron, une occasion manquée
Le Sommet Afrique-France qui s’était déroulé à Montpellier le 8 octobre 2021 résultait d’un constat. Nouveau format, nouveaux acteurs, nouvelles thématiques, nouveaux enjeux : l’objectif de cet évènement était de porter un regard neuf sur la relation entre l’Afrique et la France pour offrir un nouveau cadre de réflexion et d’action aux nouvelles générations. La dernière tournée africaine d’Emmanuel Macron lui donnait l’opportunité de mettre en œuvre les thématiques issues de ce sommet afin de se réconcilier avec la jeunesse africaine, en discorde avec Paris, sur un sujet aussi crucial que celui du dérèglement climatique, hélas.
Philippe Assompi
3/19/20235 min read
La diaspora est une chance selon Emmanuel Macron
Le 8 octobre 2021 eut lieu à Montpellier un sommet Afrique-France. Organisé par le Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères, ce rendez-vous est « exclusivement consacré à la jeunesse et à la société civile », selon les mots de l’Élysée. Aucun chef d'État africain n'y était invité. Le président français voulait privilégier un dialogue avec la diaspora pour débattre sur diverses thématiques : l'engagement citoyen, la démocratie, l'innovation et l'entreprenariat. Il va de soi que devant le sentiment anti-français de plus en plus grandissant en Afrique, l’Élysée voulait trouver des solutions afin d’y faire face. S’appuyer sur la diaspora pour redorer l’image de la France en Afrique, un constat lucide que faisait Emmanuel Macron pour ne pas perdre pied devant le rouleau compresseur chinois ou la montée en puissance russe. Il fallait responsabiliser les binationaux, selon le Président de la République, ceux-ci étant les meilleurs ambassadeurs de la France en Afrique.
Un virage à 180 degrés
La relation franco-africaine a toujours été teintée de beaux discours, de belles intentions suivie de spectaculaires voltefaces. Le revirement le plus rocambolesque fut celui de François Hollande qui au sommet de la Francophonie à Dakar en Novembre 2014 avait dit : On ne change pas l'ordre constitutionnel par intérêt personnel. En filigrane le message était destiné à Denis Sassou Nguesso qui était dans l’optique de briguer un énième mandat. Zig-zag, curieusement quand il reçu en 2015 son homologue congolais à Paris, il dit le 21 octobre : Monsieur Denis Sassou N’Guesso peut consulter son peuple, avalisant ainsi le coup d’État constitutionnel en cours au Congo-Brazzaville. L’hécatombe des modifications de constitution que connu l’Afrique à partir de 2015 est la conséquence de cette déclaration. Même le Sénégal qui était un modèle de démocratie en Afrique francophone est sur le point de succomber au truandage de la constitution. Quand on se souvient qu’en 2012 à Dakar, François Hollande avait dit aux députés sénégalais que leur pays était "un exemple" de démocratie pour l'Afrique, le pauvre Léopold Sédar Senghor doit se retourner dans sa tombe.
Emmanuel Macron ne déroge pas à la règle. Le constat qui l’a conduit à organiser le sommet Afrique-France à Montpellier fait suite au désamour réel des peuples d’Afrique vis-à-vis de la France. Mais le locataire de l’Élysée reste prisonnier, comme ses prédécesseurs en leurs temps, du système françafricain. Discourir sur le sentiment anti français paie mieux que la mise en garde de Ragnimwendé Eldaa Koama. D’autant plus que les idées de l’extrême droite ont le vent pourpre. La composition de l’assemblée nationale est en cela un indicateur
Tournée africaine ou le voyage dans le bassin et les tourbières du Congo
Une occasion manquée
C’est à juste titre que le député Aurélien Taché dit que le voyage au Gabon du président français n’avait qu’un seul objectif, renfoncer son homologue Ali Bongo, coeur battant de la FrançAfrique, à la veille d’une élection présidentielle. Laquelle s’annonce difficile pour le maître des lieux, celui-ci étant fortement diminué depuis un AVC très sévère en Octobre 2018. C’est en connaissance de cause que le dernier One Forest Youth Forum fut boudé par les ONG et la société civile. Il n’y avait rien d’écolo dans l’organisation de cet événement au Gabon.
Le bassin du Congo
Pour mieux comprendre la problématique des forêts d’Afrique centrale, il convient de savoir que le bassin du Congo s’étend sur six pays : la République démocratique du Congo (2,345 millions km²), la Centrafrique (623 000 km²), le Cameroun (466 050 km²), la République du Congo (342000 km²), le Gabon (267 667 km²) et la Guinée équatoriale (28 051 km²). La République Démocratique du Congo, à elle seule, constitue plus de la moitié des pays composant le bassin forestier du Congo. À cela s’ajoute la découverte en 2014 par deux chercheurs britanniques des tourbières du Congo dont les 2/3 se situe en RDCongo et le tiers restant en République du Congo. Le Congo est le poumon du bassin du Congo, n’en déplaise à Paris.
Les tourbières du Congo
Autant on connait les bassins forestiers du monde, notamment les deux plus grands, l’Amazonie et le Congo, autant on ignore l’existence des tourbières et leur pouvoir en matière de séquestration du dioxyde de carbone. Les tourbières ne recouvrent que 3% de la surface continentale terrestre mais renferment un tiers du stock de CO2 des sols mondiaux. Avec une superficie quatre fois plus grande que la Suisses, les tourbières du Congo n’ont pas d’équivalent au monde. Elles séquestrent 30 milliards de tonnes de carbone. La visite du chef de l’état français donnait l’opportunité de mettre en lumière la situation de cet écosystème naturel. Lequel, d’après Greenpeace qui ne cesse de tirer la sonnette d’alarme, est gravement menacé.
Le clou du spectacle
Depuis 2021, la loi des armes prévaut dans la province du Nord-Kivu ravagée par la guerre à l’Est de la République démocratique du Congo. Très critiqué, le silence de Paris, refusant de se prononcer sur le soutien militaire du Rwanda au mouvement rebelle du M23, ne passe pas à Kinshasa. Donc la visite en RDC du président français ne se présenta pas sous les meilleurs auspices. Malgré cela Emmanuel Macron trouva le moyen de s’illustrer. En effet même dans les rêves les plus fous, qui pût imaginer que ce dernier soit aller en Ukraine en guerre, être reçu par son homologue Volodymyr Zelensky, puis ce soit retrouvé dans un quartier de Kiev siroter une bière accompagné d’un de ses amis artistes du coin ? C’est pourtant ce que fit le locataire de l’Élysée dans le quartier de Bandal, en terre kinoise, accompagné de l’artiste musicien Fally Ipupa. En mode fêti na fêti, il fit fi des us et coutumes diplomatiques. Aucun commentaire, les images parlent d’elles-mêmes. Un affront à la jeunesse africaine qu’il était censé reconquérir.
L’avenir de la planète, maintenant qu’on sait qu’il est lié à la problématique du changement climatique, se joue au centre de l’Afrique. Surtout que le bassin de l'Amazonie ne joue plus son rôle. Car il émet désormais du CO2 contrairement à son cousin congolais. La préservation et la valorisation des forêts situées dans le bassin du fleuve Congo est l’affaire de toutes et de tous. Malheureusement cette zone de l’Afrique est le sanctuaire de la FrançAfrique, une poignée d’individus qui dicte la politique africaine de la France. La société civile seule peut contraindre l’Élysée à la transparence sur cette relation.