Edito.

Pour écouter l'extrait du projet musical autour des tourbières du Congo, cliquez ICI. La réalisation de ce single sollicite l'apport de toutes et de tous soit par un préachat à partir de 10 euros ou par un don à partir d'un euro ou plus. En cliquant sur faire un don, ci-dessous, vous devenez acteur.

C’était le jeudi 5 Avril 2018, il était 20 heures, assis dans mon fauteuil j’attendais le Journal Télévisé de France 2 comme à l’accoutumée. J’entendis la présentatrice annoncer dans les titres qu’il sera diffusé au cours du journal un documentaire sur la découverte au Congo de la plus grande tourbière tropicale au monde. Un reportage d’environ cinq minutes ou le commentateur signifia l’importance de cette découverte pour contenir le réchauffement climatique. Et, il conclut, je le cite « l'enjeu est d'arriver à intéresser les habitants de la région, les transformer en gardiens de la tourbière, car c'est bien une partie de notre avenir qui se joue en ce moment sur les rives du bassin du Congo ».

De nature curieuse, en deux clics de souris je fus sur Google histoire d’en savoir un peu plus. La Nasa avait identifié ces tourbières dès les années 1960. Mais comme la question climatique n’était pas d’actualité à cette époque, il n’y avait pas de quoi fouetter un chat.

À cheval sur les deux Congo, deux tiers en République Démocratique du Congo et le tiers restant en République du Congo, ces tourbières font environ quatre fois la superficie de la Suisse. Elles emprisonneraient trente milliards de tonnes de carbone. Cela équivaudrait en ordre de grandeur au volume colossal de trois ans d’émissions mondiales de combustibles fossiles, vingt années de CO2 des États-Unis. Une véritable bombe à retardement disent les scientifiques.

Si cet écosystème naturel avait été découvert dans un pays occidental, depuis longtemps il aurait été classé bien commun de l’humanité et aurait bénéficié des financements internationaux. Des études auraient été lancées pour voir comment éduquer les populations dès le bas âges à vivre en harmonie avec leur environnement voire susciter des vocations. Sous-développés, les deux Congo sont malheureusement du mauvais côté. Pire le Congo Kinshasa est logé à la 178è place et le Congo Brazzaville à la 173è au classement des états du monde par indice de perception de la corruption. Donc la gestion des biens et services d'utilité collective de ces deux pays n’inspire pas confiance. Ce qui constitue un handicap majeur pour attirer les financements. Un handicap qui pourrait être contourné si la société civile devenait une actrice prépondérante dans la gérance desdites tourbières. Ce mode d’organisation est ce qui caractérise les pays nordiques quant à la gestion de leur environnement, les institutions de l’état travaillant main dans la main avec les organisations civiles. Mais, est-ce que les pouvoirs publics de part et d’autre du fleuve du Congo accepteront-ils une telle relation ? C’est toute la question. J’ai en mémoire le single de Youssoupha intitulé Denis Mukwege - Grand Congo où il est dit que ceux qui dirigent le Congo n’aiment ni le Congo ni les congolais. Aussi un bras de fer s’impose pour que la société civile devienne un partenaire à part entière vis-à-vis des instances financières internationales. Ce combat, il faut l'engager maintenant.

Dans la correspondance que j’adressais le 11 Novembre 2022 au Directeur Général de Greenpeace, Monsieur Jean-François Julliard, à savoir que Greenpeace est la principale ONG sur site au Congo, je lui disais : « les tourbières du Congo ne seront à l’abri de toute sorte de prédation, aujourd’hui et pour toujours, que si les congolais des deux rives, femme et homme sans distinction de classe ni de rang, prenaient consciences que la sauvegarde de ce site aura des conséquences dans leurs assiettes ». Je rappelle que d’après les sources onusiennes, 75 % de la population de ces deux pays vit avec moins de deux dollars par jour. Cette population extrêmement pauvre n’a aucune marge de manœuvre de l’intérieur. C’est donc à l’extérieur qu’il faut trouver la solution. Or le plus gros contingent des congolais à l’étranger vit en France et en Belgique. Une communauté qui participe activement, notamment par le biais des mandats, à soulager la misère de leurs parents restés au pays. Si celle-ci était informée des avantages que ces tourbes pouvaient apporter au développement économique et social de leurs pays, cet écosystème aurait trouvé un puissant allié pour sa survie. C’est la mobilisation citoyenne qui pousse les gouvernements à être plus entreprenant sur la crise climatique. Un constat que nul ne peut contester.

Comment alors faire pour mobiliser cette diaspora ? Il est à savoir que ce serait la première fois que les congolais des deux rives seront mobilisés autour d’une même cause. Cela mérite d’être souligner.

Les tourbes du Congo se sont formées seules, il y a des milliers d'années, sans l’aide de qui que ce soit. Elles n’ont besoin de personne pour se réguler. Il y a juste un travail de pédagogie, d’éducation, au risque de me répéter, à faire pour inciter le congolais à vivre en harmonie avec son environnement. S’il voit qu’en adoptant ce comportement, il y a un surplus dans les assiettes de ses enfants, celle de son épouse et la sienne, croyez moi, non seulement qu’il le fera mais en plus il veillera à ce que nul ne vienne perturber son mode vie.

Il faut aller droit au but. Il n’y a pas à tergiverser. La question des fonds relatifs à l’apport des pays riches en faveur des pays pauvres selon les objectifs fixés en 2009 à la Cop15 à Copenhague puis acté en 2022 à la COP27 en Égypte doit être mis sur la table. En effet, pour ne pas reprendre les erreurs passées ce, pour contourner le système de la parentocratie propre aux deux pays, il faut éviter de mettre tous les œufs dans le même panier. Il est capital de faire un distinguo entre ce qui relève de l’état et ce qui est de l’ordre du mouvement citoyen. C’est pourquoi j’en appelle à la création d’un fond géré par la société civile pour la sauvegarde des tourbières du Congo. L’objectif étant d'arriver à intéresser les habitants du Congo, comme il était dit dans le reportage au 20 heures de France 2, de les transformer en gardiens de ladite tourbière. La priorité sera donnée aux projets en lien avec l’auto-suffisance alimentaire. La mécanisation de l'agriculture est à envisager. Dans cette dynamique, il est demandé à toutes celles et tous ceux qui peuvent apporter une expertise susceptible de renforcer cette initiative de se faire connaitre. L’apport des congolais où qu’ils soient, sans distinction de rang ou de statut, femmes et hommes, intellectuels ou pas, cadres ou pas, célèbres ou pas, étant vivement souhaité.

Dans son tweet du 20 Novembre 2022, le Président Emmanuel Macron avait écrit, je le cite : « À la COP27, la France et l’Europe ont réaffirmé leur engagement pour le climat. Nous avons besoin d’un nouveau pacte financier avec les pays les plus vulnérables. J’y travaillerai avec nos partenaires en vue d’un sommet en 2023 à Paris avant la prochaine COP. » Une déclaration qui me donne l’occasion de remettre au goût du jour la lettre du 2 Juin 2022 que j’adressais à Madame Amélie de Montchalin, Ministre de la Transition Écologique et de la Cohésion des territoires, puis à son successeur, Monsieur Christophe Béchu. Correspondance dans laquelle que je suggérais que soit appliqué le mécanisme de restitution des « biens mal acquis » pour alimenter la future caisse pour la sauvegarde des tourbières du Congo. Les réponses successives des cabinets des deux ministres, l’une du 10 Août 2022 et l’autre du 13 Juin 2022, m’informant que le dossier avait été transmis à leur collègue Madame Catherine Colonna, Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, laissait à penser que la proposition était à l’étude. À ce sujet le Guide pratique pour une restitution responsable des biens mal acquis publié par Transparency International France, une organisation qui avec l’association Sherpa ont toujours porté cette cause à bras-le-corps, donne des orientations qu’il conviendrait de suivre. Les sociétés civiles congolaises et françaises devront travailler main dans la main pour que la restitution de ces biens se passe en toute transparence.

Philippe Assompi

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