Corruption et organisation du 1er Sommet des 3 plus grands Bassins forestiers au monde
L'annonce du premier Sommet des Trois plus grands Bassins forestiers au monde, prévu du 26 au 28 octobre 2023 à Brazzaville, au Congo, suscite des interrogations quant au choix de ce pays en tant qu'hôte. Le Congo, bien que riche en ressources naturelles, est confronté à des problèmes de corruption endémique, avec une grande partie de sa population vivant dans l’extrême pauvreté, subsistant avec moins de deux dollars par jour. Cette situation soulève des préoccupations quant à l'opportunité d'organiser un sommet environnemental de cette envergure dans un pays où l'élite au pouvoir est accusée de piller les ressources nationales, condamnant ainsi les plus vulnérables à une existence précaire. De plus, la corruption, qui sévit largement au Congo, est reconnue comme un obstacle majeur à la lutte contre le réchauffement climatique, mettant davantage en valeur les enjeux de ce choix de localisation. Dans ce contexte, il est essentiel de s'interroger sur la signification et les implications de la tenue de ce sommet au Congo.
Philippe Assompi
10/19/20234 min read
Un régime autocratique
Le 1er octobre 2021, il y a à peine deux ans, le journal Libération publiait un article sur la situation politique au Congo-Brazzaville, mettant en lumière le fonctionnement de l'élite politique comme une mafia. Depuis lors, la situation n'a fait que se détériorer. Le 31 juillet 2023, à Brazzaville, la Coalition citoyenne contre les crimes économiques et financiers a déposé une plainte contre X pour le détournement de quatorze mille milliards de Francs CFA, soit plus de vingt et un milliards d'euros, de fonds publics réservés aux générations futures. Cette affaire s'inscrit dans le contexte plus vaste du dossier des biens mal acquis, où la justice française anticorruption vise des hauts dignitaires congolais étroitement liés au Président Denis Sassou Nguesso, au pouvoir depuis quarante ans.
Rapports tumultueux entre les institutions financières internationales et le Congo
Les rapports entre le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et la République du Congo ont été marqué par des périodes tumultueuses et complexes, principalement en raison de questions économiques, de gouvernance et de dette. Le Congo a eu recours aux programmes d'ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale dans les années 1980-1990 et tout récemment en 2015. Des exigences de réformes visant à accroître la responsabilité et à améliorer la gestion des ressources publiques ont été formulées à l’endroit des autorités congolaises. FMI - Congo : une totale transparence est-elle possible ?
Du lobbying pour renforcer le pouvoir congolais
Le Congo, un des pays centraux dans le dossier des biens mal acquis, se prépare à accueillir du 26 au 28 octobre 2023 le premier Sommet des Trois plus grands Bassins forestiers au monde. Les enjeux sont immenses, car ces trois bassins forestiers jouent un rôle crucial dans la lutte contre le dérèglement climatique. Or les experts s'accordent à dire que le premier obstacle à cette lutte est la corruption. Il est donc impératif que ce sommet aborde de face cette problématique. Le succès de cette réunion dépendra de la manière dont la question de la corruption sera traitée et intégrée dans les discussions et les décisions prises lors de cet événement. La lutte contre la corruption est essentielle pour garantir un avenir durable et préserver pour les générations futures. Ce sommet offre une opportunité cruciale de progresser dans cette direction. Il n’est pas question de faire plaisir à un pouvoir bancal. Il y va à travers le réchauffement climatique de la gouvernance mondiale. Les peuples américains, européens, asiatiques doivent -ils se plier aux caprices des dictateurs au centre de l’Afrique ?
Cette question mérite une attention particulière du Secrétaire général de l’ONU, Monsieur António Guterres. Le Secrétaire d’état américain, Monsieur Antony Blinken, avait dit à l’occasion du sommet virtuel des leaders sur le climat : " aucun pays ne peut surmonter seul cette menace existentielle. Nous sommes dans le même bateau. Et ce que chacun de nos pays fait ou ne fait pas aura non seulement un impact sur la population de son propre pays, mais sur celle du monde entier ".
Le silence, l’inaction des institutions internationales sur le sujet vaut complicité. En effet, la question du dérèglement climatique exige une vision panoramique et non sélective, l’ONU ayant un rôle capital à jouer.
Clin d’œil sur les tourbières du Congo
Il est à savoir que le bassin du Congo abrite la plus grande tourbière tropicale du monde, les tourbières du Congo. Découverte en 2014, elle fait près de quatre fois la superficie de la Suisse, 2/3 en République Démocratique du Congo et le tiers restant en République du Congo. Elle séquestre trente milliards de tonnes de carbone, soit vingt années des rejets des émissions de CO2 des États-Unis. Selon les études du Centre National de la Recherche Scientifique, les tourbières ne représentent que 3% de la surface terrestre, mais elles captent à elles seules un tiers du carbone piégé dans les sols. Si nous ne prenons pas des mesures concrètes pour préserver ces écosystèmes et leur capacité à stocker le carbone, les accords tels que celui de Paris, celui de l’an dernier en Égypte et les futures COP seront vains.
La logique nous impose d'abord de protéger ce que nous avons avant de nous projeter dans l'avenir. Préserver avant de progresser implique de reconnaître la valeur de ce que nous possédons actuellement et de veiller à sa préservation avant de chercher à atteindre de nouveaux objectifs, d’où la question de l’évaluation du prix de la tonne de carbone séquestrée. Il va de soi que cela ne peut se faire qu’en collaboration avec la société civile.
Le succès du premier Sommet des Trois plus grands Bassins forestiers au monde dépendra en grande partie de la manière dont la question de la corruption sera traitée. Il est essentiel de garantir une gestion transparente et responsable des ressources naturelles et des fonds publics, car la protection des bassins forestiers et la lutte contre le changement climatique nécessitent toujours une coopération internationale sincère et un engagement en faveur de la transparence et de la responsabilité. La communauté internationale devra surveiller de près les développements liés à la lutte contre la corruption au Congo-Brazzaville et ses conséquences pour l'environnement mondial.